Nicolas Perrin, CEO de CFF Cargo, a répondu à nos questions à propos du
résultat semestriel, positif pour la première fois depuis longtemps. Mais rien ne dit encore que le trafic marchandises clôturera à l’équilibre à la fin de l’année.
Monsieur Perrin, votre principal objectif est que CFF Cargo clôture l’année à l’équilibre. Maintenant que nous disposons des résultats semestriels, le verre est-il à moitié plein ou à moitié vide?
Nicolas Perrin: Au premier semestre, nous avons jeté les bases pour qu’il soit possible d’atteindre cet objectif. Mais comme au football, il reste la seconde mi-temps et les arrêts de jeu, comme la Suisse en a récemment fait la douloureuse expérience contre l’Islande.
Êtes-vous optimiste?
Nicolas Perrin: Si nous réalisons de bons résultats cet automne, nous y parviendrons. Nous avons mis toutes les chances de notre côté. Cette saison est capitale pour nous, car durant cette période, le trafic marchandises augmente, la construction bat son plein, et il y a très peu de jours fériés.
Les mesures d’assainissement prises ces dernières années, comme la réduction des points de desserte dans le trafic par wagons isolés et les suppressions de postes, portent-elles leurs fruits?
Nicolas Perrin: Oui, on peut l’affirmer clairement, et je suis fier de ce que nous avons réalisé.
En quoi l’équilibre des comptes est-il si important?
Nicolas Perrin: Depuis la création de CFF Cargo, les CFF ont dû injecter 800 millions de francs dans notre activité. Cela ne peut pas durer, surtout qu’une entreprise doit dégager des bénéfices pour pouvoir se développer et investir.
Quels seront les effets pour les CFF, si CFF Cargo atteint son objectif?
Nicolas Perrin: Les CFF sont un opérateur global des transports publics: lorsque la branche marchandises est rentable, ce sont les CFF et les transports publics dans leur ensemble qui en profitent.
Qu’en sera-t-il en 2014? Visez-vous pour la première fois un bénéfice après plusieurs décennies?
Nicolas Perrin: Même si nous atteignons l’équilibre des comptes, le contexte reste extrêmement difficile. C’est pourquoi nous devrons d’abord nous stabiliser à ce niveau en 2014 et 2015.
Qu’en est-il des suppressions de postes au sein de CFF Cargo? Avons-nous atteint le creux de la vague?
Nicolas Perrin: Nous ne prévoyons pas de nouvelles suppressions d’emplois, mais nous de-
vons maîtriser les coûts à long terme et continuer à augmenter notre efficacité.
En Europe, vous faites partie des responsables de trafic marchandises ayant le plus d’ancienneté. En êtes-vous fier?
Nicolas Perrin: (Rires) Ce dont je suis fier, c’est de travailler pour une entreprise qui mise sur la continuité. Le trafic de marchandises est un secteur difficile, et il y a toujours une bonne raison de changer de directeur. Mais je pense que cette continuité est importante aussi aux yeux de nos clients, comme en témoigne le mandat de DB Schenker Rail: à partir du prochain changement d’horaire, nous pourrons faire rouler plusieurs milliers de trains en Suisse pour le compte de DB Schenker Rail.
Quelle est l’importance de ce mandat de DB Schenker Rail pour CFF Cargo?
Nicolas Perrin: Ce mandat est déterminant, car il prouve notre compétitivité. Par ailleurs, nous pouvons exploiter davantage les ressources de notre personnel valaisan et tessinois, et garantir ainsi des postes qui, sans cela, risquaient d’être remis en question. De plus, ce mandat augmente notre volume sur les axes du Lötschberg et du Saint-Gothard. Or plus le volume est important, plus nous pouvons travailler efficacement.
D’une manière générale, la concurrence s’est-elle durcie ces dernières années?
Nicolas Perrin: Oui, sans aucun doute. De plus, il ne faut pas oublier que la situation économique est très mauvaise dans le Nord de l’Italie, ce qui engendre des surcapacités et une guerre des prix. Mais nous parvenons très bien à nous imposer.
Le terminal de Limmattal se heurte à toujours plus de résistance de la part des habitants, mais aussi des chargeurs et même des grands clients de CFF Cargo. Prévoyez-vous de revoir votre copie?
Nicolas Perrin: L’Office fédéral des transports a lancé une procédure de médiation pour le terminal de Limmattal. L’ensemble du secteur reconnaît la nécessité de nouveaux terminaux. En plus du terminal de Limmattal, nous voudrions ainsi en construire un à Bâle Nord. La question est de savoir sous quelle forme ils seront réalisés. Dans la région du Limmattal, il faudra un jour acheminer les conteneurs par train. CFF Cargo se bat en faveur de cette solution, mais la décision revient aux politiques.
S’agissant de l’avenir du fret ferroviaire, vous avez pour objectif d’obtenir de meilleurs sillons pour les trains de marchandises. Est-ce politiquement faisable?
Nicolas Perrin:: Notre objectif n’est pas d’y parvenir au détriment du transport de voyageurs. Les CFF se sont clairement prononcés pour le trafic mixte, ce qui signifie que les trafics voyageurs et marchandises doivent partager le même réseau. C’est également valable pour le tunnel de base du Saint-Gothard. Il s’agit de définir le nombre de sillons accordés à chaque trafic dans des plans d’utilisation du réseau, et d’appliquer ces décisions au quotidien.