Depuis début 2020, seuls les wagons silencieux sont autorisés sur le réseau ferroviaire suisse. Découvrez dans quelle mesure l’application de cette nouvelle législation représente un défi de taille pour CFF Cargo.
Si l’on veut promouvoir le transfert vers le rail, les besoins des riverains doivent être pris en compte», explique Malte Günther, responsable Vente indirecte et tarification stratégique chez CFF Cargo. Autrement dit, pour que la population soit toujours favorable au fret ferroviaire, celui-ci doit être moins bruyant. Après avoir investi jusqu’en 2015 dans des ouvrages antibruit et dans l’assainissement des wagons du trafic intérieur lors du premier programme de réduction du bruit, la Confédération a interdit au 1er janvier 2020 la circulation des wagons bruyants. Depuis le début de l’année, seuls les wagons «silencieux» sont donc autorisés en Suisse.
CFF Cargo, qui soutient cette nouvelle réglementation, a modernisé avant fin 2019 le système de freinage de ses 5000 wagons, en remplaçant les anciennes semelles de freins en fonte grise par de nouvelles plus légères en matériau composite. La flotte respecte désormais la nouvelle valeur limite européenne de 83 décibels.
La Suisse pionnière
La Suisse joue un rôle important dans l’assainissement phonique en tant que premier pays à mettre en œuvre l’interdiction des wagons non assainis. Des lois similaires s’appliqueront en Europe à partir de 2024–2025. Mais ce rôle de pionnier n’est pas sans difficulté, notamment pour CFF Cargo. «La mise en œuvre est un défi car l’expérience et le soutien technique nous font défaut», confie Malte Günther. Chaque entreprise ferroviaire dispose certes de sa propre base de renseignements sur sa flotte (indiquant p. ex. si un wagon est assaini ou non), mais il n’y a encore aucune base de données européenne harmonisée. «Dans le trafic de marchandises transfrontalier, actuellement, seul un contrôle manuel des caractéristiques techniques des wagons est possible avant leur entrée en Suisse.» D’après Malte Günther, 15 à 20% des wagons entrants ne sont pas assainis phoniquement.
D’ici à la fin 2020 au plus tard, il sera possible de comparer les informations des différentes bases de données grâce à un message broker, c’est-à-dire un programme informatique de transfert de données. Cela permettra une intervention plus précoce en cas de circulation de wagons bruyants dans le trafic d’importation et d’exportation. Ainsi, si un train composé de wagons non assainis est en route pour la Suisse, CFF Cargo recevra une annonce et pourra réagir avant qu’il ne franchisse la frontière. Actuellement, aucun train ne se voit refuser l’accès au réseau par CFF Cargo, bien que cela soit théoriquement possible. Si la nouvelle législation devait entraîner des actions civiles contre l’entreprise, celle-ci serait contrainte d’arrêter les trains bruyants à la frontière. Ce scénario doit être évité, comme le formule Malte Günther: «Ce serait tout sauf une bonne nouvelle pour le fret ferroviaire, car certains transports risqueraient d’être à nouveau transférés vers la route.»
Responsabilité des partenaires
Outre les conséquences en matière de droit civil, un train entier circulant avec un wagon bruyant peut aussi perdre son bonus-bruit. Si les détenteurs de wagons enfreignent la loi à plusieurs reprises, ils risquent même le retrait de leur autorisation d’accès au réseau. La première année, l’Office fédéral des transports (OFT) entend «seulement» avertir les contrevenants, mais CFF Cargo prend déjà des mesures pour se prémunir contre d’éventuelles amendes de la Confédération et ne cesse d’en informer ses clients et partenaires étrangers. Les amendes seront réclamées au partenaire contractuel concerné qui devra également couvrir les pertes engendrées si des bonus-bruit devaient être retirés. Afin de maintenir l’incitation financière en faveur de l’assainissement phonique, l’OFT a décidé de payer jusqu’en 2024 les bonus introduits lors du premier programme de réduction du bruit. Le montant dépend du type de matériel et des kilomètres parcourus. «Nous parlons de sommes parfois considérables, dont les détenteurs de wagons pourraient être privés», précise Malte Günther tout en faisant le calcul: pour un wagon-citerne transportant des produits chimiques ou des hydrocarbures, par exemple, le bonus s’élève à environ 1600 francs au bout de 20 000 kilomètres.
Illustration: Murielle Drack